De l'intrusion au diagnostic : comment les tests de pénétration physique deviennent des révélateurs de vulnérabilités globales
- Marc FESLER
- il y a 4 jours
- 9 min de lecture

Introduction : Au-delà de la simple évaluation technique
Lorsqu'une organisation initie un test de pénétration physique, elle envisage généralement cet exercice de manière isolée : vérifier si les barrières physiques tiennent bon face à une tentative d'intrusion simulée. Or, cette perspective restrictive occulte la richesse diagnostique d'une telle démarche. En réalité, un test de pénétration physique bien conduit ne se limite pas à valider l'efficacité d'un portail ou d'un contrôle d'accès. C'est un instrument d'investigation qui révèle comment les vulnérabilités physiques interagissent avec les processus, la gouvernance et même la culture organisationnelle.
Cette réalité prend une dimension nouvelle avec l'évolution du cadre réglementaire. La directive NIS2, dont la transposition était prévue au plus tard en octobre 2024, impose une approche holistique intégrant explicitement la sécurité physique aux côtés de la cybersécurité. En France, le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques, voté par le Sénat en mars 2025, incarne cette évolution réglementaire majeure. Cette convergence obligatoire ne demande pas seulement de renforcer les défenses, mais de repenser fondamentalement la manière de les évaluer.
C'est ici que le test de pénétration physique acquiert une nouvelle valeur : celle de fondation diagnostique pour un audit de sûreté convergent.
1. Le test de pénétration physique : bien plus qu'une vérification d'accès
Au-delà de l'exploitation technique
Dans la littérature courante, les tests de pénétration physiques consistent à imiter les attaquants qui tentent d'entrer dans des zones sécurisées ou d'accéder à des systèmes physiques, en utilisant une meilleure méthodologie en boîte noire pour évaluer la sécurité sur site et l'efficacité du contrôle d'accès. Cette définition reste exacte, mais elle s'arrête là où commence le vrai diagnostic.
Lors d'un test de pénétration physique mené selon les standards méthodologiques rigoureux, le testeur ne cherche pas simplement à franchir une barrière. Il documente précisément comment cette barrière a cédé : était-ce un défaut d'équipement, une procédure mal appliquée, une lacune de formation du personnel, ou une défaillance organisationnelle ? Ces nuances apparemment techniques font émerger des patterns systémiques invisibles lors d'inspections statiques.
Par exemple, un agent d'accueil qui ouvre une porte à un visiteur sans badge révèle non pas une faille d'équipement, mais une chaîne d'incompréhension : peut-être la procédure n'a jamais été clairement communiquée, ou le protocole d'exception n'est pas défini. Cet incident banal devient révélateur d'un problème de gouvernance qui affectera bien d'autres domaines.
La détection d'interactions non évidentes
Une tentative d'intrusion physique a pour objectif final d'atteindre le réseau de l'entreprise pour prouver la capacité à récupérer des informations stratégiques, ce qui permet d'identifier le ou les points de vulnérabilité. Cette progression révèle une réalité que le cloisonnement traditionnel des audits occulte : une vulnérabilité physique qui semblerait mineure (accès à une baie de serveurs, à une zone d'archivage) peut se conjuguer avec d'autres faiblesses pour créer une menace systémique.
Lors du test, le pentesteur va explorer non seulement les barrières physiques, mais aussi les interactions entre ces barrières et les contrôles logiques. Un accès à une armoire électrique, par exemple, ne présente un risque significatif que si elle contrôle un élément critique du système d'information. Cette corrélation, qu'un audit purement physique ne detecterait jamais, émerge naturellement lors d'un test de pénétration bien structuré.
2. NIS2 et la convergence obligatoire : le contexte réglementaire qui change la donne
L'effet de paradigme
La directive NIS2 marque un tournant stratégique pour les organisations. Selon le rapport HID/IFSEC 2024, 48 % des entreprises associent désormais leur DSI aux projets de contrôle d'accès physique, 58 % collaborent pour définir des pratiques communes de sécurité, et 55 % évaluent ensemble les technologies émergentes. Ces chiffres révèlent que la convergence ne relève plus du domaine des bonnes pratiques isolées, mais devient une nécessité pratique pour respecter les obligations réglementaires.
D'ici fin 2025, 41 % des entreprises européennes prévoient d'intégrer tout ou partie de leur sécurité physique et logique, contre 31 % en 2020. Cette accélération n'est pas triviale : elle signifie que les organisations doivent bâtir rapidement une vision transversale de leurs vulnérabilités, à la fois physiques et numériques.
Où les tests de pénétration physique deviennent critiques
La directive NIS2 demande explicitement la mise en œuvre de solutions d'authentification forte ou continue, de communications chiffrées et de systèmes d'alerte d'urgence sécurisés. Or, chacune de ces exigences techniques possède une composante physique souvent sous-estimée. Une authentification forte n'a d'utilité que si l'accès physique à l'équipement d'authentification est correctement maîtrisé. Des communications chiffrées ne suffisent pas si un attaquant peut accéder physiquement à un point de terminaison non protégé.
C'est précisément là que le test de pénétration physique intervient comme outil diagnostique : il valide non pas de manière théorique, mais par démonstration pratique, si les exigences NIS2 peuvent réellement se déployer dans l'environnement physique réel de l'organisation.
3. De la découverte de vulnérabilités à la base d'audit global
La structure diagnostique révélée par les tests
Les tests techniques, tels que les tests d'intrusion et les analyses de vulnérabilité, permettent d'évaluer la résistance des systèmes de sécurité et d'identifier les vulnérabilités potentielles. Mais contrairement à une analyse de vulnérabilité qui fournit une liste de défauts, un test de pénétration physique structure ces défauts dans une narration causale.
Le test établit : comment un attaquant aurait-il procédé ? Quelles étapes de franchissement de défenses lui ont permis de progresser ? À quel point le système de sûreté global a-t-il failli ? Cette reconstruction du cheminement d'attaque crée une base de diagnostic extraordinairement riche pour l'auditeur de sûreté.
Prenons un exemple concret. Un test révèle qu'un attaquant a pu accéder à la salle des serveurs en se présentant comme technicien, puis installer un dispositif de surveillance. Cette découverte n'est pas une simple vulnérabilité de procédure. C'est un symptôme de problèmes potentiels touchant : la gouvernance des accès visiteurs, la formation du personnel, la traçabilité des interventions, la coordination entre sécurité physique et systèmes d'information, voire la culture de sécurité générale de l'organisation.
De la découverte à la cartographie des risques
C'est en transformant la narration du test en analyse systémique que ce dernier devient une base diagnostique pour l'audit de sûreté global. La méthodologie Red Traffic Analyses (RTA) de CARINEL est conçue pour exactement cela : elle permet d'identifier et de classifier chaque risque selon un triptyque probabilité / gravité / impact.
Les vulnérabilités découvertes lors du test de pénétration physique alimentent cette classification. Mais au-delà du simple inventaire, elles révèlent les interactions entre niveaux de protection. Une vulnérabilité physique élevée n'est pas isolée ; elle peut cascader vers des défaillances opérationnelles, procédurales, voire culturelles.
4. L'audit de sûreté convergent : du test à la vision globale
La progression logique de l'évaluation
L'analyse des risques au cœur d'un rapport d'audit de sûreté consiste à identifier et évaluer les menaces potentielles, les vulnérabilités et les impacts possibles sur l'organisation. Mais comment construire cette analyse si on ignore les vulnérabilités réelles de son environnement physique ? Comment évaluer les menaces intentionnelles si on n'a pas testé la capacité à les contrer ?
C'est ici qu'intervient le repositionnement du test de pénétration physique. Plutôt que d'être une évaluation ponctuelle de capacités spécifiques (contrôles d'accès, surveillance), il devient l'élément fondateur d'une cartographie des risques globale. Les résultats du test deviennent les données brutes qui alimentent l'analyse d'audit.
Intégration avec les méthodologies convergentes
La Security Circle Model (SCM) de CARINEL organise la protection selon des cercles concentriques d'influence et de contrôle. Les résultats du test de pénétration physique permettent de valider l'efficacité réelle de chaque cercle :
Cercle externe : Le test révèle-t-il des signaux faibles d'intrusions potentielles ? Les mécanismes de détection précoce fonctionnent-ils réellement ?
Cercle intermédiaire : Les contrôles d'accès, systèmes de surveillance et procédures d'urgence offrent-ils vraiment la protection théorique supposée ?
Cercle interne : Les zones critiques sont-elles effectivement inviolables, ou existe-t-il des chemins alternatifs ?
Le test fournit les données empiriques qui valident ou invalident cette architecture conceptuelle.
5. Gouvernance et mise en place : transformer les découvertes en action
Intégration dans le cadre d'audit NIS2
Pour les entités soumises à NIS2, les entreprises concernées auront trois ans pour se conformer, devront effectuer leur déclaration en ligne via « MonEspaceNIS2 » et respecter les obligations en gestion des risques, mesures juridiques, techniques et organisationnelles. Un test de pénétration physique bien documenté devient une preuve empirique que ces obligations sont réellement respectées, bien au-delà de la simple conformité documentaire.
Du test au programme de remédiation structuré
Les résultats du test ne sont qu'une base diagnostique. La transformation en action exige une gouvernance claire. Les vulnérabilités physiques découvertes doivent être classées selon :
Leur probabilité d'exploitation en conditions réelles
Leur impact potentiel sur la continuité métier et la protection des données
Leur interaction avec d'autres vulnérabilités du système
C'est cette classification systémique, bien au-delà d'une simple liste de défauts, qui transforme le test en outil de stratégie de sécurité.
6. Les limites de l'approche traditionnelle et pourquoi l'audit convergent fait la différence
Les angles morts des évaluations cloisonnées
Une organisation peut posséder d'excellentes audits informatiques et de solides inspections physiques sans pour autant comprendre ses vrais risques. Un audit IT révèle que les données sensibles sont chiffrées et protégées. Un audit physique vérifie que les locaux sont verrouillés. Mais aucun des deux n'a testé si un attaquant pouvait accéder physiquement au serveur, installer un dispositif, et contourner le chiffrement par d'autres moyens.
C'est précisément ce que révèle le test de pénétration physique mené dans une perspective convergente : l'interaction entre domaines que l'évaluation cloisonnée ne capture jamais.
L'approche CARINEL : transformation de la découverte en intelligence
CARINEL positionne le test de pénétration physique non comme une fin en soi, mais comme une étape de diagnostic qui alimente une compréhension plus large. Le test devient catalyseur de la convergence : il force les équipes sécurité, sûreté et IT à dialoguer sur un langage commun : celui des vulnérabilités réelles observées.
Conclusion : De la simulation à la résilience
Le test de pénétration physique a longtemps été perçu comme un exercice technique spécialisé, séparé de l'audit de sûreté global. Or, le cadre réglementaire nouveau et l'impératif de convergence changent cette équation fondamentalement.
Un test de pénétration physique bien mené n'est pas une vérification isolée d'un détail technique. C'est un diagnostic complet qui révèle :
Comment les vulnérabilités physiques et numériques interagissent
Où se situent les vrais risques dans l'environnement réel, pas théorique
Comment les procédures, la gouvernance et la culture soutiennent ou contredisent les dispositifs techniques
Si l'organisation peut vraiment répondre aux obligations de NIS2 en conditions réelles
Transformer ces découvertes en action structurée, c'est mettre en place une audit de sûreté véritable convergent, où aucune vulnérabilité ne reste dans l'angle mort créé par le cloisonnement des domaines.
Pour les organisations confrontées aux exigences croissantes de NIS2 et aux attentes de gouvernance convergente, le test de pénétration physique devient donc un investissement stratégique, bien au-delà de son rôle technique apparent. C'est la fondation sur laquelle construire une vision holistique, résiliente et véritablement vérifiée de sa posture de sûreté.
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CARINEL – Cabinet de conseil en sécurité physique et sûreté – Organisme de formation certifié QUALIOPI
La sûreté durable repose sur l'évaluation empirique des vulnérabilités réelles dans un environnement convergent.
Références et sources
[1] Commission Européenne. (2022). Directive (UE) 2022/2555 du 14 décembre 2022 concernant les mesures relatives aux niveaux élevés de cybersécurité dans l'Union. Journal officiel de l'Union européenne.
[2] ANSSI. (2024). La directive NIS 2. https://cyber.gouv.fr/la-directive-nis-2
[3] CMS Law. (mars 2025). Cybersécurité : anticiper la transposition de la directive NIS 2. Disponible en ligne.
[4] PwC France. (2024). Directive NIS 2 : un nouveau cadre pour renforcer la cybersécurité et la résilience à l'échelle de l'Union Européenne. https://www.pwc.fr/fr/publications/cybersecurite/directive-nis-2.html
[5] HID Global & IFSEC International. (2024). Rapport HID/IFSEC 2024 sur la convergence sécurité physique et cyber. Données statistiques sur l'intégration DSI/sécurité physique et les projections Gartner pour 2025.
[6] Global Security Mag Online. (novembre 2024). Directive NIS2 : vers une cybersécurité intégrée, au croisement du physique et du numérique.
[7] Trend Micro FR. (2024). Qu'est ce qu'un Pen test (penetration testing) ? https://www.trendmicro.com/fr_fr/what-is/penetration-testing.html
[8] Orange Cyberdefense. (2025). Tout sur NIS2 en 2025. https://www.orangecyberdefense.com/fr/insights/blog/nis-2-obligations-echeances-sanctions-et-mise-en-conformite
[9] Projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. (2024-2025). Sénat français. https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2024-2025/394.html
[10] Check Point Software. (2023). Qu'est-ce que le test de pénétration ? https://www.checkpoint.com/fr/cyber-hub/cyber-security/what-is-penetration-testing/
[11] CARINEL. (2024). Méthodologie de l'audit de sécurité et dispositif global de sûreté. Methodologies propriétaires : Red Traffic Analyses (RTA) et Security Circle Model (SCM).
[12] OCI. (janvier 2025). Comprendre l'audit de cybersécurité : guide complet pour les entreprises. https://www.oci.fr/guide-audit-cybersecurite/
[13] CARINEL. (2024). Comment construire un rapport d'audit de sûreté efficace. Blog CARINEL.
[14] ORNISEC. (juin 2025). Directive NIS 2 : Vers une cybersécurité renforcée en Europe – Point de situation 06/25. https://www.ornisec.com/directive-nis-2-vers-une-cybersecurite-renforcee-en-europe-point-de-situation-06-25/
[15] Wavestone. (juin 2025). NIS 2 : où en sont les pays européens dans la transposition de la directive ? https://www.wavestone.com/fr/insight/nis-2-pays-ue-transposition-directive-2024/
Ressources complémentaires CARINEL
Red Traffic Analyses (RTA) : Méthodologie propriétaire pour l'évaluation intégrée des risques
Security Circle Model (SCM) : Architecture de protection convergente
Autodiagnostic convergence en ligne : Évaluez votre niveau d'intégration sécurité-sûreté-cyber
Formations croisées sécurité-sûreté-cyber : Développer une culture convergente




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