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La laïcité aujourd'hui en France et dans les organisations publiques et privées [partie III / III]


Evolution du paysage religieux français


Le retour du religieux dans la société a pour conséquence une place plus importante de la religion dans la vie publique, professionnelle et le débat d’idées ne laisse pas indifférent. Après une période de sécularisation de l’Occident amenant d’une certaine manière à une discrétion des dieux dans les sociétés contemporaines, les manifestations religieuses ont tendance à refaire surface que ce soit par la nostalgie des traditions ou par l’évolution du paysage cultuel et le développement de religions qui étaient peu présentent dans la nation en 1905. Les traditions religieuses se mêlent aux traditions culturelles et la mondialisation actuelle accélère cet entrecroisement de différentes coutumes, manières de vivre et manières de faire, elles aussi parfois inspirées des dogmes religieux. Par conséquent, certaines pratiques religieuses peuvent s’étendre dans la vie publique et bousculer les mœurs d’une culture donnée. La laïcité rend néanmoins possible de distinguer les manifestations religieuses qui respectent ou qui ne respectent pas ses principes et in fine l’ordre public.


Il n’est pas sans dire que la France est un pays qui affirme sa diversité religieuse. Pour sans rendre compte, il est intéressant de rappeler que nous sommes le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de bouddhistes selon les déclarations des représentants des religions. Les cultes anciennement et nouvellement établis sur le territoire doivent donc être en mesure de s’accorder sur différents points (représentation, édifices, pratiques) pour s’inscrire pleinement dans le respect des principes et valeurs de la République qui garantit en contrepartie la liberté de conscience et de culte.


La laïcité aujourd’hui en France : de la définition juridique à la croisée des regards

Rappelons assurément que la laïcité, telle que la définit la loi française, ne vise pas la discrétion comme certains pourraient le scander mais la liberté de conscience et de culte. L’article 1 de la loi de 1905 est d’ailleurs le suivant : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » A ce jour, porter un voile, une kippa ou une croix ne peut être qualifié de contraire à l’ordre public. L’Observatoire de la laïcité relevait d’ailleurs à ce sujet que « Interdire tout signe religieux ou convictionnel dans l’espace public (au sens de l’espace commun) serait une atteinte à la liberté fondamentale de manifester ses convictions (religieuse, politique, syndicale, philosophique). Dans l’État de droit français, caractérisé par un principe de liberté, on n’interdit pas tout ce que l’on désapprouve ».


Si certains croyants conçoivent leur religion avec une retenue absolue de l’afficher en public (exemple : une « bonne religion » est une religion que l’on ne voit pas), certains transposent en elle une conception athéiste ou agnostique et souhaiteraient rendre opaque ou indifférente les religions auxquelles ils nient ou ignorent l’existence (exemple : la croyance en Dieu relève du domaine privé et ne doit pas s’immiscer dans la sphère publique), tandis que d’autres partageant une conception antithéiste souhaiteraient un effacement totale des références divines dans la société (exemple : la religion est incompatible avec l'existence d’une humanité savante car elle occulte le progrès scientifique).


Bien sûr, ces trois conceptions évoquées ici ne s’inscrivent pas dans l'application de la laïcité. La laïcité garantit à chacun la liberté de conscience, ce qui inclut la liberté de croire ou de ne pas croire et celle de pratiquer une religion, d'être athée, agnostique ou adepte de philosophies humanistes, de changer de religion ou de ne plus en avoir. De cette libre conscience découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l'ordre public. Aucun principe religieux ne peut conduire à ne pas respecter la loi.

Le philosophe Paul Ricoeur plaidait lui pour « Une laïcité positive, dynamique, active, polémique, de confrontation, basée sur la reconnaissance mutuelle du droit de s'exprimer, la rencontre des cultures et des convictions opposées. »

Les limites à la liberté de manifester une religion


Outre la neutralité de l'Etat et donc des agents publics que nous abordons plus bas, des restrictions à la liberté de manifester sa religion sont autorisées au nom, principalement, de la protection de l’ordre public et de la liberté de conscience. La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics en interdisant les signes religieux ostensibles à l’école publique au nom justement de la liberté de conscience et de l’émancipation individuelle par l’école républicaine loin de toutes influences.


Dans les entreprises notamment, d’autres considérations liées au bon fonctionnement du service ou d’impératifs et règles de sécurité, de santé et d’hygiène peuvent interdire le port de tenues ou signes religieux lorsque cela est inscrit dans le règlement intérieur.


Sans dépendre directement du principe de laïcité, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public déclare dans son article premier que « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. » Une circulaire du 2 mars 2011 relative à la mise en œuvre de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public précise que « Se dissimuler le visage, c'est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société. Cela place en outre les personnes concernées dans une situation d'exclusion et d'infériorité incompatible avec les principes de liberté, d'égalité et de dignité humaine affirmés par la République française. La République se vit à visage découvert. Parce qu'elle est fondée sur le rassemblement autour de valeurs communes et sur la construction d'un destin partagé, elle ne peut accepter les pratiques d'exclusion et de rejet, quels qu'en soient les prétextes ou les modalités. »

« La république se vie à visage découvert » tel est le slogan promu par le gouvernement pour accompagner l’instauration de la loi de 2010 en rappelant symboliquement que l’effigie de la République, Marianne, est découverte.

Application de la laïcité pour les salariés du privé et les agents publics


En France la laïcité est un socle commun avec des principes fondamentaux qui néanmoins se particularisent selon les espaces et le statut de chaque personne. La laïcité implique la neutralité de l'Etat et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction d’origine ou de religion.


L’application de la laïcité avec le principe de neutralité dans les services publics concerne les agents publics fonctionnaires, les salariés qui ont une mission de service public et les salariés des titulaires de contrats de marché public. Les usagers des services publics sont eux soumis au respect de la laïcité comme chaque citoyen mais pas à celui de neutralité.


A ce titre, l’observatoire de la laïcité déclarait que « Dans l’administration, les services publics et les entreprises ou associations exerçant une mission de service public, aucun salarié ou agent ne peut manifester ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques par des signes, des tenues ou un comportement prosélyte. L’agent ou le salarié représente en effet la nation dans son ensemble, et se doit donc d’adopter un comportement neutre et impartial vis-à-vis des usagers du service public comme de ses collègues de travail. Les manquements à ces règles doivent être relevés et peuvent faire l’objet de sanctions. »


Concrètement, les responsables des services publics doivent veiller au respect :


→ du principe de neutralité des professionnels et des règles qui en découlent ;

→ de la non-discrimination et de la dignité des personnes ;

→ de l’interdiction de l’insubordination et du prosélytisme au travail ;

→ de la libre exercice du culte des usagers sans impacter l’organisation du service.


L’application de la laïcité dans les entreprises privées n’exerçant aucune mission de service public permet la manifestation des convictions religieuses dans la mesure ou les entreprises privées ne représentent pas des espaces neutre de l’Etat. Cependant, certaines manifestations religieuses peuvent être limitée ou interdite par le règlement intérieur « si la nature de la tâche à accomplir le justifie et à condition que la limitation soit proportionnée au but recherché. » (Article L1121-1 du Code du travail ; article L. 1321-2-1 du Code du travail ; directive 78/2000/CE du Conseil du 27 novembre 2000). Il est pour cela nécessaire d’accompagner les managers qui se retrouvent bien souvent démunis face à une expression multiple de faits religieux dans l’entreprise.


Enfin, l’application de la laïcité dans l’espace public considéré comme un espace commun que sont les voies publiques, les lieux ouverts au public ou affectés à un service public s’organise autour de personnes qui manifestent différemment l’absence ou la présence en eux de la religion dans le respect des convictions de chacun. Comme nous l’avons vu plus haut, la loi du 11 octobre 2010 interdit tout de même la dissimulation du visage en se fondant non pas sur le principe de laïcité mais sur la sécurité publique et les exigences minimales de la vie en société (Décision du Conseil constitutionnel n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010).

Nos interventions en matière de laïcité pour les professionnels (fonctionnaires, salariés, managers, élus…) sont éprouvées et réalisées par des intervenants issus de différents milieux de la recherche et du conseil public et stratégique avec une expérience concrète de terrain permettant un échange serein et apaisé autour d’exemples et de situations récurrentes dans différents secteurs, des collectivités territoriales aux entreprises en passant bien sûr par les établissements de soins.


Les administrations et les services publics sont considérés comme des acteurs majeurs dans le respect des principes de laïcité. En ce sens, le Comité interministériel de la laïcité, par l’intermédiaire de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, rend obligatoire la formation des agents publics au principe de laïcité d'ici 2024-2025. Pensez donc à vous former et à initier les agents à la compréhension de ce principe constitutionnel républicain. Que ce soit par des conférences courtes en amphithéâtre, des ateliers thématiques par secteurs, des formations en groupe restreint en présence ou à distance via des classes virtuelles et des modules e-learning adaptés à votre environnement ou bien des vidéos intranet, des plaquettes d’informations et posters pédagogiques, plusieurs solutions s’offrent à vous pour sensibiliser les professionnels à la compréhension de la laïcité au travail.

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