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RETEX : comment s’articule le retour d’expérience ?


tableaux - retour d'experience, RETEX

A la lumière des événements actuels il semble intéressant d’analyser deux citations célèbres espacées de plus de 20 siècles.

Au 5ème siècle avant J.C. Confucius a considéré que « L'expérience est une lanterne accrochée dans le dos, qui n'éclaire que le chemin parcouru. »
Quelques 20 siècles plus tard Albert Einstein nous apprend que « Les amères leçons du passé doivent être réapprises sans cesse. »

Il semblerait que les deux parlaient de RETOUR D'EXPERIENCE ou RETEX


Deux événements majeurs, le 11 septembre 2001 et la crise du COVID-19 ont et semblent changer notre monde.

  • Étions-nous préparés à y faire face ?

  • Quelles leçons avons-nous tiré de notre passé ?

  • Quelles expériences avons-nous tiré ou tirerons-nous de ces événements pour mieux se préparer aux événements dont nous aurions à faire face dans l’avenir ?

En septembre 2019, l’OMS publie un rapport dans lequel elle prévient que le risque de pandémie est élevé. Ce rapport stipule que ce risque s'accroît de plus en plus et s’il survient, le monde n'est actuellement pas prêt à y répondre efficacement.


Ironie du sort, quatre mois plus tard, le 16 mars 2020, l’OMS considère que le COVID-19 est la « crise sanitaire mondiale majeure de notre époque » et appelle à effectuer «un test pour chaque cas suspect. »


Quelles sont donc « les amères leçons du passé » , les retours d'expérience, qui auraient dû nous préparer à faire face à la pandémie actuelle ?


Sans remonter jusqu’à la peste d’Athènes au 5ème siècle avant J.C, qui selon les estimations a coûté la vie à 70 000 habitants de la ville, ou encore la pandémie de grippe espagnole du début du 20ème siècle qui a été responsable de 25 à 100 millions de morts, on peut se concentrer sur la grippe de Hong Kong qui a déferlée sur le monde entre 1968 et 1970.


Dans un article de Libération paru en 2005, le Professeur Pierre Dellamonica, externe dans le service de réanimation du professeur Jean Motin à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon à l’époque, se souvient : « On n'avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir. Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d'hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré dix à quinze jours, et puis ça s'est calmé. Et étrangement, on a oublié. »


Et en parlant de la vaccination, on apprend par là même qu’ « …il y a eu un moment où les vaccinations se faisaient sur le trottoir, avec des étudiants en médecine recrutés dans les amphis et la police qui bloquait les accès de la rue» ou encore que : « Hélas, à la différence des vaccins américains, les produits français, fabriqués alors de façon assez artisanale par Pasteur (Paris) et Mérieux (Lyon), n'incluent pas la souche de Hongkong, malgré un débat d'experts. De fait, les vaccins ont été d'une efficacité très médiocre : ­ 30 % au lieu de l'usuel 70 %. »


Au-delà du fait que cette pandémie souvent appelée « la pandémie oubliée » et malgré les résultats très médiocres des vaccinations, elle a permis néanmoins de prendre conscience du bien-fondé de la vaccination massive contre la grippe en s'appuyant sur le retour d'expérience par rapport aux résultats obtenus.

Plusieurs épidémies et pandémies, telles que le VIH, ou encore SRAS, H1N1 ou Ébola ont déferlées sur le monde depuis 1969. Ces diverses épidémies ou pandémies (pour le VIH, le H1N1) ont permis d’acquérir les informations nécessaires pour les prévenir et les combattre.


En octobre 2011, le gouvernement mis en place le Plan national de Prévention et de lutte « Pandémie grippale ». Ce plan « tirant les enseignements de la gestion de l’épisode pandémique de 2009 (H1N1) et des différents retours d’expériences et d’évaluations qui ont été conduites, a procédé à une réforme en profondeur du plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale » et précise, entre autres, la « mise en œuvre de contre-mesures médicales avec utilisation optimale des réserves préalablement constituées de produits de santé, matériels médicaux et moyens de protection (antiviraux, antibiotiques, vaccins, masques, ECMO…) ».


Indépendamment de la gestion actuelle de la crise de COVID-19 on peut constater que le retour d’expérience des crises précédentes a permis de théoriser la gestion de l’épidémie de grippe. Il est à espérer que la pandémie de COVID-19 permettra d’aller plus loin dans la compréhension de la gestion des pandémies et de mettre en place les stratégies correspondantes. Différents pays ont mis en place des stratégies différentes allant du confinement total à la stratégie de l’« immunité collective » (herd immunity). Le nombre de contaminés par pays présentés dans ce graphique permettra à terme de comprendre quelle est la meilleure stratégie.


Si l'on compare le retour d’expérience à venir dans le domaine sanitaire, avec le retour d’expérience actuel du domaine terroriste, au lendemain du 11 septembre 2001, les autorités aériennes, EASA (agence de sécurité aérienne européenne) et FAA (agence américaine, ndlr) ont demandé aux acteurs de l’aviation de travailler ensemble sur un système permettant de verrouiller le cockpit afin que personne de l'extérieur ne puisse ouvrir la porte même sous la contrainte d'une arme.


Le 24 mars 2015, le vol 4U9525 de la Germanwings reliant Barcelone à Düsseldorf s’est écrasé dans les Alpes Françaises avec 150 personnes à bord. Le copilote de l’Airbus A320 s’est enfermé dans le cockpit en l’absence du commandant de bord et a délibérément provoqué le crash de l’appareil contre un massif.


Le procureur de Marseille Brice ROBIN a rapporté à l’époque que « l’interprétation à ce jour (...) La plus plausible et la plus vraisemblable est que le copilote, par une abstention volontaire, a refusé d’ouvrir la porte de la cabine de pilotage au commandant de bord »

« … on entend le commandant de bord appeler à plusieurs reprises pour avoir accès à la cabine de pilotage dont la porte blindée se bloque automatiquement sur ces appareils, conformément aux normes de sécurité mises en œuvre depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Le pilote tape à la porte en vain, les interventions des contrôleurs aériens français, qui ont repéré l’anomalie, restent sans réponse. »


Dans cet exemple, nous constatons que la prise en compte du retour d’expérience (RETEX) est fondamentale et depuis 2015 les règles de sécurité des avions ont été adaptées une fois de plus pour tenir compte de ce type de situation. Il y a donc eu un second retour d’expérience. Le RETEX (retour expérience) peut se définir comme une procédure d'analyse structurée qui permet de partager à partir d’une expérience vécue et d’apprendre à partir de la compréhension à posteriori de cette situation.


Quels secteurs ont adopté le RETEX comme outil stratégique ?



Le RETEX a vu sa naissance comme une démarche structurée dans l’aviation à la suite de Air Commerce Act en 1926 qui introduit l’obligation d’enquêter sur les accidents et incidents aériens. De nombreux secteurs ont adapté le RETEX depuis.


On peut citer, par exemple, l’industrie nucléaire où après la catastrophe de Fukushima le gouvernement français a mis en place un PLAN NATIONAL DE RÉPONSE ACCIDENT NUCLÉAIRE OU RADIOLOGIQUE MAJEUR. Il est bon de souligner que l’armée utilise régulièrement le RETEX afin d’améliorer sa capacité opérationnelle. Ce travail structure même sa stratégie en perpétuelle évolution.


Pour le secteur de la santé on peut citer le Guide Méthodologique de Retour d’expérience qui rappelle la définition suivante de l’OMS concernant le RETEX comme : « Une évaluation en profondeur des actions de gestion entreprises au cours d’un événement de santé publique, faites par la suite afin d’identifier les lacunes, les leçons et les meilleures pratiques. Le RETEX offre une approche structurée pour les individus et les organisations impliqués dans la préparation et la réponse aux événements sanitaires de réfléchir à leurs expériences et leurs perceptions sur la réponse donnée à l’événement. Le RETEX aide à identifier de manière systémique et collective ce qui a et ce qui n’a pas fonctionné, et pourquoi et comment s’améliorer. »


L’objectif du RETEX est bien d’identifier ce qui s’est mal passé pour ne pas reproduire les mêmes erreurs d’une part mais aussi retenir les choix positifs pour les renouveler. D’une manière générale et synthétique, le RETEX s’articule autour de plusieurs étapes, à savoir :

  • Déterminer les objectifs et le périmètre du RETEX

  • Assurer le recueil des informations

  • Réaliser la synthèse des informations

  • Restituer les éléments et diffuser le RETEX

  • S’assurer de sa mise en place

Nous retenons surtout que le RETEX dans son rôle de mémoire collective est essentiel pour pouvoir faire face aux situations d’urgence mais aussi pour se préparer aux crises futures.


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